Quelle réforme pour la formation professionnelle en 2023 ?
Actualités • 16 janvier 2023

Quelle réforme pour la formation professionnelle en 2023 ?


Quatre ans après son « big bang », le système de la formation cherche un nouvel équilibre. Si les fondamentaux de la réforme de 2018 semblent acquis, la future loi attendue au premier semestre 2023 devra résoudre une équation délicate entre une nécessaire régulation financière et des besoins inédits en compétences.

Seule certitude en ce début d’année 2023, il n’y aura pas de retour en arrière. En quatre ans, le monde de la formation s’est transformé à marche forcée. Libéralisé et soutenu par des aides publiques, le marché a été marqué par l’explosion de l’apprentissage et de la plateforme « Mon compte formation ». La formation professionnelle ne vit plus cachée. Elle entre dans les lycées, s’impose dans l’enseignement supérieur et s’ouvre au grand public. Cinq millions d’actifs ont choisi de se former avec leur CPF et la barre des 800 000 apprentis devrait être franchie en 2022. De leur côté, les organismes de formation ont accéléré leur digitalisation et repensé leur modèle économique. Les investisseurs s’intéressent de plus en plus à ce secteur. Avec un chiffre d’affaires record d’1,3 milliard d’euros en 2021, les jeunes pousses de l’Edtech ont réussi à lever 430 millions d’euros. Le « big bang » promis en 2018 a bien eu lieu. Mais à la veille d’une nouvelle loi portant sur la formation attendue au premier semestre 2023, le bilan est plus mitigé.

 

Un bilan en demi-teinte.

Le choix d’un guichet ouvert pour le CPF et l’apprentissage creuse dangereusement les comptes de la formation. Le déficit cumulé de France compétences depuis 2020 atteint plus de 11 milliards d’euros. Autre faiblesse, les garde-fous à la libéralisation du marché se sont révélés sous-dimensionnés. Derrière le succès quantitatif, les fraudes au CPF, la qualité de l’apprentissage, la difficulté d’adresser les enjeux de transition professionnelle et de répondre aux tensions de recrutement se sont rapidement invités dans le débat. Face aux besoins inédits de compétences, la complexité des dispositifs, le manque de coordination entre les acteurs, l’accessibilité et la dispersion des données interrogent les pratiques. Après le temps du « quoi qu’il en coûte », vient le temps de la régulation. Mais comment garantir la soutenabilité financière du système tout en poursuivant les efforts de formation dans un contexte de transitions numérique et écologique ? Comment sécuriser l’utilisation des finances publiques tout en simplifiant les démarches ? Cette réforme à venir a déjà commencé avec les premières mesures sur le CPF prises en urgence. Elle ne se résumera pas à une loi et devra s’accompagner d’une amélioration du fonctionnement de l’écosystème de la formation.

 

La fin du « quoi qu’il en coûte ».

Sous-estimées par les artisans de la réforme de 2018, les ressources de France compétences ont, dès 2020, atteint leur limite. Au pied du mur, l’État met au pot chaque année. Pour 2023, une nouvelle rallonge de 1,7 milliard d’euros a été prévue. Ces dotations exceptionnelles ne règlent pas le problème structurel. Les leviers comme la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage ou la régulation par la demande sur le CPF via le reste à charge sont délicats manier. Une régulation trop brutale ou mal pensée risque de casser la dynamique du marché et de déstabiliser le modèle économique des organismes de formation. Au regard des sommes engagées par l’État, difficile d’échapper à un arbitrage politique. Exclus des grandes décisions depuis 2018, les partenaires sociaux ont fait des propositions en fin d’année et entrent en concertation. Ils proposent de réallouer les fonds du plan d’investissement dans les compétences (Pic) à la formation des salariés, d’introduire des crédits d’impôt pour les entreprises et la possibilité d’amortir les dépenses de formation au titre comptable d’un investissement.

 

Comment réguler l’offre de formation ?

Mais la régulation ne se réduit pas à sa dimension financière. L’offre de formation peine toujours à répondre aux besoins des entreprises. L’idée de conditionner les financements publics et mutualisés à des indicateurs de qualité comme l’insertion professionnelle ou à des compétences identifiées comme stratégiques fait son chemin. Cibler des dispositifs sur des enjeux de transitions professionnelles ou sur des métiers en tension a déjà été testé au moment dans le cadre du plan de relance. Le sujet de la qualité revient également sur le devant de la scène. Sur la table, l’alignement des certifications publiques avec les attendus de France compétences et la consolidation du nouveau système qualité porté par Qualiopi. Sous l’impulsion du cabinet de la ministre déléguée à l’Enseignement et la formation professionnels, des groupes de travail avancent déjà sur ces sujets. Dans la prochaine loi, les dispositifs de formation devront favoriser les transitions professionnelles. C’est déjà le cas avec les dernières évolutions apportées à la VAE. Le gouvernement cherchera à simplifier et rendre plus lisibles la Pro-A et TransCo.

 

Comment améliorer le fonctionnement de l’écosystème ?

Au-delà de ces ajustements, l’écosystème de la formation devra repenser son fonctionnement pour le rendre plus efficace. La problématique des métiers en tension a mis en lumière l’importance d’une meilleure coordination des acteurs. De nouvelles relations entre les branches professionnelles, les pouvoirs publics et les différents acteurs de l’emploi ont été initiées lors de la mission confiée à Philippe Dole. La réforme de France Travail s’inscrit dans la même logique. Les outils digitaux et les systèmes d’information joueront un rôle déterminant dans l’animation de l’écosystème. Le portail unique de la VAE rassemble les certificateurs, les entreprises et les candidats, facilitant ainsi le déploiement des parcours. France compétences lancera en 2023 une plateforme coconstruite avec les branches professionnelles pour diffuser et valoriser les travaux prospectifs de leurs observatoires. Plus culturelle, plus souterraine, cette transformation fait partie d’une réforme 2023 qui ne dit pas son nom. »